Les « bilatérales », ce sont les réunions informelles tenues entre la direction d’une entreprise et une organisation syndicale pour traiter de sujets spécifiques, d’une ou de plusieurs revendications en amont ou en cours de négociation… Autant dire que sans ces réunions informelles, il n’existe ni relations sociales, ni négociation ! Nous y consacrons donc deux billets successifs. Dans celui-ci, nous insistons sur l’art et la manière de mettre en place ces bilatérales… sans commettre d’impair.
Il ne vous aura pas échappé que le nombre d’organisations syndicales est important en France (il n’est pas rare de voir, à la table des négociations, les « 5 grandes » voire plus). Leur jeu est complexe, allant du réformiste au révolutionnaire. Les préjugés idéologiques sont féroces, c’est d’ailleurs la tradition sur laquelle s’est bâtie le syndicalisme en France : les syndicats doivent revendiquer pour obtenir ce que l’employeur propose ou ne propose pas. Mais les enjeux sont différents, voire contradictoires : certains acceptent par exemple l’épargne salariale alors que d’autres la rejettent par principe.
Dans ce contexte, imaginer pouvoir se mettre d’accord avec les différentes parties, uniquement en « plénière », est un doux leurre. D’où les « bilatérales ». En jargon RH, ce sont les réunions informelles tenues entre la direction d’une entreprise et une organisation syndicale. On y aborde un thème spécifique, un point de la prochaine négociation, certaines revendications précises, une question de droit syndical, ou pourquoi pas le parcours des élus de l’organisation syndicale… Sans ces réunions informelles, autant le dire, vous ne feriez pas en France de relations sociales, ni même de négociation !
Les bilatérales permettent de savoir ce qui est réellement important pour chacun et de se mettre ainsi d’accord, sur l’essentiel, en amont de la réunion plénière.
Les bilatérales s’établissent progressivement.
Dans le temps… La confiance ne se décrète pas, dit-on souvent. Vous pouvez commencer par un entretien qui vous permettra de faire connaissance, faire un point sur un sujet qui tient particulièrement à cœur au délégué syndical que vous rencontrez.
Avec lucidité… Le délégué syndical ou le représentant que vous rencontrez demeure quant à lui dans la négociation, avec un point d’affichage et un point de rupture. Vous devez donc négocier de bonne foi mais sans perdre de vue que même en bâtissant des relations de confiance, une bilatérale reste une négociation où les autres parties n’interfèrent pas.
Dans la confidentialité… Ce n’est pas parce que chaque organisation syndicale sait pertinemment que vous rencontrez aussi les autres que cela vous autorise à en faire état, qui plus est en « plénière ». Un délégué syndical qui change d’avis et assène en « plénière » une position inverse à votre réunion « bilatérale » (cela arrive !), ne vous autorise pas à mentionner vos échanges passés. Vous rompriez immédiatement la relation de confiance tissée, et cela au-delà du syndicat concerné. D’ailleurs, êtes-vous informé des bilatérales qu’ils mènent entre eux ? Allons plus loin : vos bilatérales doivent se tenir en lieu neutre et, si possible, discret. Cela peut se faire à l’extérieur, confidentialité oblige !
Dans la confiance… Mais doit-on continuer les bilatérales avec les interlocuteurs qui ne tiennent par leur engagement ?
En négociation, il peut vous arriver d’entendre un délégué syndical tenir un discours exactement inverse aux propos et revendications exprimés lors de votre bilatérale. Ce qui peut vous décourager de poursuivre les bilatérales avec ce délégué.
Je vous encourage pourtant à maintenir le lien. Mais sans naïveté, en prenant ensuite ses propos avec la plus grande circonspection. Si l’antagonisme est vraiment marqué, je vous encourage même à évoquer clairement ce point avec lui : il comprendra que vous n’êtes pas dupe et aura peut-être un éclaircissement à vous apporter.
Si ce comportement se répète, il faut malgré tout maintenir le lien mais se montrer lucide. Consacrez donc plus de temps à ceux qui ont la volonté d’avancer et de construire – même si ce n’est pas toujours dans le même sens que vous !
