– Merci !
Ce représentant syndical vient de s’exprimer longuement pour délivrer le point de vue de sa centrale sur la négociation en cours. « Merci ». C’est le premier mot que je prononce, peut-être même le seul à ce moment précis de nos échanges. Il capte un instant mon regard et s’avise que ce simple mot, « merci », je l’ai prononcé sans détour. Il marque mon attention, mon approbation sinon du fond, du moins de la forme. Merci pour le partage de vues. Merci pour l’engagement. Merci pour la sincérité du propos. Merci pour le courage d’exprimer votre opinion. Merci pour l’éloquence, peut-être. Un « merci » qu’il ne faudrait surtout pas prendre pour une marque d’indifférence voire d’ironie, qui signifierait seulement : « Vous avez été très long, passons au point suivant s’il vous plait… ». Mais la sincérité des échanges que j’ai toujours eue à l’égard de cet interlocuteur, celui-là comme les autres, l’assure que mon « merci » est sincère. Tout comme le naturel avec lequel je l’ai prononcé.
Si l’on peut parler ici d’une « technique », celle du remerciement en négociation ou en CCE permet de reconnaître la personne, tout en pouvant clore l’échange et éviter ainsi d’engager les parties dans des débats le plus souvent idéologiques, qui apportent peu aux échanges.
Au-delà d’une technique enseignée, je l’applique régulièrement, avant tout pour reconnaître la personne et la respecter. C’est devenu pour moi une habitude plus qu’une technique visant à faire taire la personne.
Chacun autour de la table entend ce « merci » pour ce qu’il est : la marque d’un dialogue. Il signifie : « nous ne sommes pas d’accord sur tout, peut-être même sur rien en cet instant, mais nous sommes en dialogue, en recherche de solutions, respectueux des formes autant que des personnes. »
Dire « merci » pour saluer la fin d’une intervention montre au fond que nous croyons à la possibilité d’aboutir à un accord. C’est bien le propre de toute négociation et la posture qu’il revient à tout négociateur d’adopter. Un simple « merci » contient beaucoup plus de « signifié » que la modestie du « signifiant » ne le laisse paraître.
« Dis merci ! » : n’est-ce pas l’une des premières injonctions auxquelles, en bons parents avisés, nous soumettons nos enfants ?
Remercier ne clôture pas une conversation. Il l’entretient.