La NAO, Négociation Annuelle suivie d’un O comme Obligatoire (pour de nombreuses entreprises), promet cette année de faire remonter certains sujets sensibles, au hasard ceux des rémunérations et de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Je souhaiterais consacrer mes deux prochains billets, l’un à vos objectifs envers les salariés, l’autre aux mesures que vous pourriez proposer dans l’intérêt de toutes les parties. Mais je dois bien reconnaître que cette année, la négociation s’inscrit dans un contexte que les plus pessimistes qualifieront de crépusculaire.

L’actualité ne fait rien pour simplifier votre négociation. Sauf à porter en permanence des lunettes roses sur le nez, impossible de nier que l’environnement géopolitique, mais aussi sanitaire et social, soit anxiogène, avec en toile de fond les menaces d’un climat déréglé. Nous subissons tous le poids de cet environnement. Il est assis à la table de négociation et impose son agenda.

En premier lieu, une inflation à 5,9 % prendra le pas sur toute autre considération.  80 % des salariés français estiment qu’il est de la responsabilité de leur employeur de les aider à faire face à l’inflation (étude SD Worx/Opinion Way – octobre 2022) à bon entendeur, salut ! Inutile de rappeler que l’inflation grimpait à 13,4 % en 1981 car ce cuisant souvenir passe pour de l’histoire ancienne. Tout aussi inutile de comparer les 5,9 % de hausse des prix en France aux 10 % du reste de l’Europe car ailleurs, ce n’est pas chez nous.

Trois augmentations du Smic en 2022 plus une nouvelle revalorisation de 1,81 % au 1er janvier 2023 ont eu pour effet de « tasser » les grilles de salaire. Cela entraine la grogne des salariés dont la rémunération était jusqu’alors supérieure au Smic car elle s’en rapproche désormais un peu plus. Les voilà psychologiquement portés à se considérer comme des « quasi-Smicards » et ce n’est sûrement pas pour leur plaire. Quand de plus les salariés sont des salariées, la question des rémunérations est également passée au crible de l’égalité femmes – hommes.

Dans le même temps, le marché de l’emploi s’est retourné. Il est devenu favorable aux salariés. Ces derniers, auquel l’événement n’a pas échappé, expriment de nouvelles attentes. Si l’employeur ne les satisfait pas, il leur est plus facile de changer d’entreprise ou, comme c’est la tendance, de chercher à se reconvertir. Et cela sans compter le recul par rapport à la valeur travail, ce que les Américains ont appelé la grande démission. Un autre mouvement de fond, plus inquiétant, est celui d’une forme de démission silencieuse où le salarié reste dans l’entreprise mais en passant maître dans l’art de ne réaliser que le strict minimum de ce qui lui est demandé. Bref, ce cocktail oblige les managers à se montrer particulièrement créatifs pour attirer et retenir les talents (au passage, reconnaissons que cet effort d’attractivité peut avoir du bon).

Cette pression conduit à une poussée des budgets globaux, avec 4,5 % d’augmentation salariale dans les entreprises contre 2,5 % en 2022.

Négocier sur les salaires sera d’autant plus délicat que dans nombre d’entreprises, les syndicats paraissent aujourd’hui dépassés par leur base. Comme ce fut le cas à Noël à la SNCF, certains salariés n’hésitent pas à lancer un mouvement de grève, même lorsqu’un accord a été trouvé entre direction et délégués syndicaux.

Ajoutons – et ce sera tout pour cette fois – qu’il est toujours plus compliqué de négocier lorsque le contexte n’est pas favorable : des élections professionnelles ou un projet gouvernemental particulièrement sensible qui mécontente une grande partie de la population française et apporte de l’eau au moulin de la contestation…

Si vous m’avez suivie jusque-là sans perdre tout espoir de réussir vos prochaines NAO, je vous dirai le fond de ma pensée en soulignant que les salaires ne devraient pas représenter la seule variable d’ajustement des NAO. C’est ce point que nous développerons dans nos prochains billets. À bientôt !

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>> Lisez aussi le livre Relations sociales en pratique, osez le dialogue (Courmontagne, Hindley) paru en octobre 2022 chez Dunod.

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