Récemment, une entreprise a bien voulu solliciter mon expérience des PSE (Plans de sauvegarde de l’emploi), et PDV (Plans de départs volontaires) pour former à la fois ses délégués syndicaux et sa direction sur les mesures qui peuvent être négociées dans un tel plan. Après m’être fait confirmer que je pouvais bien tout construire et imaginer avec les partenaires sociaux, nous avons ensemble, durant trois jours, revu l’ensemble des mesures applicables à la population concernée.

Il s’agissait d’une « belle » société et de nombreuses mesures favorables existaient déjà pour les salariés. Toutefois, le PSE concernait le projet de fermeture d’un site parisien avec le transfert de l’essentiel des postes en région, dans un lieu mal desservi par les transports en commun. Connaissant bien la situation des salariés concernés, les partenaires sociaux ont rapidement mis le doigt sur ce point noir. Ils ont notamment expliqué que le personnel était pour la plupart jeune, parisien … et souvent sans permis de conduire puisqu’à Paris celui-ci ne se révèle guère utile. Nous avons donc travaillé ce point et avons fini par mettre en œuvre une nouvelle mesure consistant à faire prendre en charge, par la société, le coût et le temps nécessaires au passage du permis de conduire.

Certains diront que c’est là une « petite » mesure. Et pourtant, elle a permis :
– aux partenaires sociaux de ce site, de se montrer innovants au sein d’un groupe qui a pourtant déjà imaginé et mis en œuvre beaucoup de choses ;
– à la direction, de démontrer sa réelle volonté de repositionner les salariés en interne et non pas de les pousser vers la sortie ;
– à certains salariés, de faciliter la prise de décision et, dans tous les cas, de constater que l’entreprise et ses partenaires sociaux prenaient réellement en compte leurs préoccupations ;
– aux relations sociales, d’en sortir encore grandies. Je dis bien « grandies » car il n’est pas donné à n’importe quelle société de vouloir former à la fois ses dirigeants et ses délégués syndicaux sur un sujet aussi grave, ni de faire suffisamment confiance à ses partenaires sociaux pour les laisser concevoir de nouvelles mesures avec l’accompagnement d’un prestataire externe. Les partenaires sociaux se sont montrés suffisamment mûrs pour co-construire les mesures d’un plan. Cela témoigne de relations sociales suffisamment développées pour que la négociation se réalise de cette manière et serve finalement l’intérêt des salariés.

Au risque d’avoir de bonnes idées

Je constate que trop souvent, les entreprises confrontées à la réalisation successive de restructurations reprennent, année après année, les mêmes mesures dans leurs plans. Pire, certaines entreprises n’hésitent pas à recopier des « modèles » de restructurations au sein d’autres entreprises, s’imaginant que ce qui s’applique chez l’un peut être dupliqué chez l’autre.

Certes, ce qui fonctionne dans une entreprise peut fonctionner dans une autre. Certes, reproduire les mêmes plans année après année – surtout lorsque les mesures sont intéressantes – rassure les partenaires sociaux et les salariés, voire crée un sentiment d’égalité… De plus, la reproduction nous place dans la stabilité, personne n’est effrayé par la nouveauté.

Mais que faisons-nous du véritable dialogue social, de la construction commune, d’idées voire d’innovations qui prendraient réellement en compte l’évolution des mentalités, la réalité des habitudes, tout simplement la vie des salariés ?

Lorsqu’elles sont profondément inscrites dans les « habitudes » de l’Entreprise, que faisons-nous d’autre part des mesures qui deviennent trop chères et ne sont plus assez efficaces pour favoriser le repositionnement des salariés ?

Construire avec les partenaires sociaux, ce n’est pas les associer aux motifs économiques qui peuvent justifier le projet de plan et qui relèvent de la seule responsabilité de l’entreprise, mais les associer aux mesures d’accompagnement qui prennent réellement en compte les besoins des salariés. C’est construire ensemble en tenant compte de l’évolution de notre culture d’entreprise et en prenant la mesure des nouvelles contraintes légales ou économiques…

Dans la nouvelle société qui se met en place, le temps n’est plus où les directions d’entreprises pouvaient se présenter face aux partenaires avec les idées qu’elles cherchent à faire passer. Est-ce faire preuve d’angélisme que penser cela ? Toute mon expérience me convainc au contraire qu’il faut cesser de diaboliser nos interlocuteurs syndicaux et que dans l’expression « partenaires sociaux », on entend le mot « partenaires ».

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